lundi 6 septembre 2004

Tremor le ver domestique

Le jeune Gaspard jouait à la chasse au trésor dans son jardin. Suivant scrupuleusement sa vieille carte jaunie par mille ans de piraterie, il effectuait le nombre de pas nécessaires pour arriver à "la croix". De quelle taille serait le coffre ? Et, plus important, contiendrait-il de l'or, des bijoux, des pierres précieuses ? Il trottina ainsi jusqu'au morceau de pelouse indiqué, et il creusa. Lorsqu'il fut épuisé et qu'un trou assez conséquent défigurait l'environnement, il s'arrêta pour regarder les nuages. Il pensa que la réalité était fort triste. Il imagina aussi que son père allait le gronder. Soudain, il sentit une chose froide ramper sur sa main. C'était un ver de terre.

Dans un premier temps, il le manipula doucement, intrigué par la sensation molle et visqueuse. Puis il eut l'idée de le couper en deux. Simple curiosité scientifique, pour voir si les deux bouts allaient continuer de gigoter indépendamment. Puis cette idée laissa place à une autre, bien plus noire. Il voulait juste le TUER. En effet, il était jouissif pour lui de savoir que ses doigts pouvaient réduire aussi facilement une vie à néant.
Mais finalement, observant la confiance aveugle de l'être naif qui se promenait sur sa main, et, souffrant au plus profond de lui-même d'une solitude infinie, il décida de l'adopter. Il possédait maintenant un ami, qu'il nomma Tremor, en référence à un film d'horreur où des vers géants attaquent une ville perdue des états unis.

Les parents jugèrent d'un oeil bienveillant cette relation : "c'est certes un peu dégoûtant, mais ce sont les fantaisies de l'enfance."
Les jours passaient, le garçon et le ver devinrent très liés. Gaspard en avait fait son confident, et lui racontait tout ce que sa vie lui permettait. Cependant, à force de le nourrir secrètement avec des steack-frites, Tremor finit par atteindre une taille anormalement élevée. Il faut ajouter à cela que le lombric avait pris ses aises dans la maison. Il n'était pas rare de le trouver sur le lit, dormant paisiblement, au grand dam de la maman qui s'écriait alors "Gaspard ! Retire cette chose dégoûtante ! Va le promener, hors de ma vue !"



Au bout de quelques années la situation avait empiré. Tremor siégeait au milieu du salon, plus rien ne pouvait le faire bouger, il était aussi gros qu'une voiture. De plus, il exigeait qu'on le nourrisse constamment. Son appétit le rendait menaçant, il avait déjà cassé la cheminée. Seul Gaspard parvenait à l'apaiser, à grand renfort de caresses.

Les parents finirent par maudire le ver. Ils envisagèrent de s'en débarrasser. Un soir, ils attendirent que Gaspard soit endormi, puis ils préparèrent un plat empoisonné qu'ils offrirent au monstre. Malheureusement pour eux, l'animal avait appris le langage humain, et tout entendu de leur plan machiavélique. Refusant d'être séparé de Gaspard, il les dévora.
Alerté par des cris, l'enfant descendit et constata la disparition de ses parents. Il eut l'intuition de ce qui s'était produit, et il s'adressa tout en larmes à son ami "dis, Tremor, tu n'as pas fait ça, hein ?" Le ver était visiblement plus gros qu'avant, et son ventre remuait violemment. Pris de panique, Gaspard se précipita au garage et revint avec une hache. Il frappa de toutes ses forces.

Tremor se laissa tuer, bien qu'il eut la possibilité de ne faire qu'une bouchée de Gaspard. Son ventre finit par s'ouvrir et libérer les parents à moitié digérés, dans un déluge de boyaux.


THE END

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