dimanche 1 avril 2007

Le voyage dans le futur de Kiwi

Kiwi est sur le point d’achever la construction de sa machine à voyager dans le temps. Il lui manque juste un élément : le four micro-onde.
Il est 22h12 et il descend à la cuisine. Il débranche l’appareil, mais au moment de s’en emparer, alertée par le bruit, sa mère déboule.

- On peut savoir ce que tu fais avec ça ? demande-t-elle d’un ton sévère.
- J’en ai besoin, répond Kiwi.
- Rebranche-le tout de suite, le four reste ici.
- Mais !

Et la mère s’empare d’une fourchette et la plante sauvagement un peu partout sur son fils. Il s’enfuit et retourne dans sa chambre. Son corps est constellé de trous d’où se mettent à jaillir des filets de sang. Il enfile un tutu rose et se met à tournoyer gaiement pour repeindre les murs. Puis il s’assoit pour réfléchir. La tête entre ses mains, il se balance lentement, avant de tomber sur la moquette. Il croit apercevoir un acarien, mais ce n’en est pas un.
« Un jour, victimes d’une mutation due au déversement d’un produit radioactif les acariens se transformeront en monstres gigantesques et deviendront les maîtres du monde ? »

Il se redresse et regarde la machine, on dirait une œuvre d’art. C’est joli, vraiment.

Puisque c’est ainsi, il décide d’attendre que les parents aillent se coucher.
Vers 23h30, alors qu’il joue à Actionloop sur DS, il entend son père monter, et même s’approcher vivement de la porte de sa chambre, qui finit par s’ouvrir.

- Tu dors pas ? Tu fais quoi, ah tu joues. Te couche pas tard, bonne nuit fiston.
- Yep. Maman dort avec toi ?
- Elle arrive, elle fait pipi là.
- Ok.

Le père referme la porte le plus doucement possible. Comme si la nuit imposait ce respect, comme si des fantômes dormaient déjà, eux, et qu’il ne fallait pas les troubler.

Kiwi entend sa mère qui monte. Il éteint la console et se pieute, il fait semblant de dodo.
La mère ouvre la porte à son tour :

- Kiwi, je te préviens, le four…demain je veux le retrouver à sa place, et tu te lèves pas dans la nuit pour aller le chercher. Y’EN A MARRE DE TOI ET DE TES CONNERIES ! Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter un débile pareil…
- Euh…

Elle referme la porte vivement.
Kiwi se retrouve seul, dans le noir, comme chaque soir. Il regarde son armoire, où y’a ses livres. Il essaie de lire les titres sur les tranches mais c’est écrit verticalement alors que sa tête est à l’horizontal. Et puis il se dit que son projet est mal barré. Il lui faut ce four micro-onde à tout prix. Vite, là !

00h15, Kiwi décide de monter une opération ninja. Il met son pyjama noir et sa cagoule. Il exécute un jutsu du clonage de l’ombre, qui se dissipe rapidement. Puis il donne des coups de pieds et de poings dans le vide, avant de ramper hors de sa chambre. Il passe à côté de la chambre des parents. Il entend des ronflements, c’est bien. Il se retrouve nez à nez avec le chat, qui le regarde avec lassitude et détourne la tête avec mépris.
Kiwi est maintenant en haut des escaliers. Il a pensé à prendre ses skis, et se jette, glissant sur les marches à vive allure. Malheureusement, ses skis s’emmêlent sur la fin du parcours et il se vautre sur le carrelage.

- KIWI !!!

Oups, c’est la voix de sa mère. Il doit vite déguerpir, il entend déjà des pas agacés qui mettent des pantoufles. Panique !

Il se délaisse tout son attirail de skieur pour redevenir agile comme un félin. Il fait une roulade avant et se cache sous une table.

La mère descend. Elle le choppe par le crâne et lui cogne le visage sur une chaise. Elle saisit le haut du pyjama sur sa nuque pour l’attraper et l’envoyer contre un mur. A ce moment, Kiwi n’a plus le choix, il exécute un jutsu qui le rend invisible aux yeux du commun des mortels.

- Allez, où est-ce qu’il est encore passé ! Kiwi ! Demain je ferai pas de jus de chou-fleur si ça continue, et je sais que tu aimes ça !

Kiwi se faufile aisément sur la pointe des pieds, il évite sa mère et entre dans la cuisine. Pendant qu’elle le cherche dans le salon, il réussit enfin à s’emparer du micro-ondes. Putain, ça pèse son poids cette merde ! Il remonte vite fait dans sa chambre, qu’il prend soin de fermer à clé.

Il positionne l’élément manquant dans la machine, et après de multiples branchements, la configuration générale semble correcte.

Il veut aller dans le futur. Il pénètre la coque et s’ouvre un paquet de chips. Puis il grignote, l’air pensif. Il sait que la réussite de son projet est basée sur une introspection de 10 ans, durant lesquels il a maîtrisé certains pouvoirs de télékinésie.

Il s’enfonce dans une méditation très profonde qui le marque à jamais. Soudain tout s’arrête.

Voilà ce qu’il a constaté de l’année 3057 :

Le monde est rempli de villes fermées, protégées par des boucliers qui couvrent le ciel, l’air ambiant est clair et pur. Des gens s’affairent un peu partout, sans se presser. Il y a une nature verdoyante mais fausse, des arbres, des fleurs synthétiques, et puis d’énormes blocs. Pas des gens en fait, des robots, la confusion était inévitable tant ils ressemblent à des humains. Ces robots ont un organisme semblable au nôtre, mais ils se rechargent tout seuls, par génération spontanée d’éléments alimentaires en quantité précise, qui entretiennent d’autres molécules auto-régénératrices. Les robots se chargent de la maintenance de la ville, à divers niveaux, ils assurent la surveillance des déconnexions ou du niveau de l’énergie, même si c’est inutile, parce que les machines non-androïdes anticipent et réparent les moindres problèmes. Les robots veillent juste au bon fonctionnement du système, ils sont immortels mais ne s’ennuient jamais, malgré un corps proche du nôtre et une intelligence artificielle très poussée, ils n’ont pas d’âme, juste des instructions qu’ils se contentent de suivre. Ils entretiennent les humains.

Kiwi en a vus, ils sont dans des sarcophages, ils ressemblent fort aux robots, ils se ressemblent un peu tous, ils ne sont ni gros ni trop maigres, ils doivent ressembler aux modèles exigés par ordinateurs et créés par manipulation génétique. Ils ont le même système auto-régénérateur que celui qu’ils ont créés sur les robots, leur corps ne vieillit pas, les cellules sont remplacées en tant voulu, ils ne produisent plus d’excréments, parce que ces derniers sont directement détruits dans le corps par des bactéries spéciales qui les mangent. Dans leur sarcophage ils portent un casque et une combinaison sensitive truffée des capteurs.
On ne voit d’eux que leur bouche, d’où s’échappe de brèves écumes de plaisir. Ils vivent un rêve organisé, programmé à partir de leurs moindres désirs, c’est comme s’ils éjaculaient en permanence, sans que cela soit préjudiciable, c’est juste une source infinie de plaisir. Ils peuvent donc vivre leur immortalité dans le bonheur absolu.
Kiwi n’a pas le droit de voir ce qui se passe dans ces casques, s’il est question d’images diffusées, mais ça semble plus profond : des fils invisibles sortent des casques pour aller stimuler le système nerveux central, c’est là qu’agissent les programmes.

Les robots ne savent pas quelle attitude adopter à l’égard de Kiwi. Ils ne comprennent pas si c’est un ennemi, ils ont reçu d’étranges instructions concernant les étrangers. Si ces derniers semblent hostiles ou qu’ils veulent s’emparer de choses, ou détruire, il faut les attaquer, mais Kiwi ne semble pas hostile, il ressemble à une forme d’enfant humain. Kiwi leur explique, pendant qu’ils l’analysent au scanner, il leur explique qu’il vient prendre des notes et qu’il s’en ira d’ici peu. Ils le surveillent, le laissent prendre des notes. Puis ils l’emmènent jusqu’à sa machine, il décolle et retourne dans l’espace. Les robots enregistrent ces évènements, pour un éventuel usage ultérieur, si les humains sortent de leur trip un jour. Mais ça fait 36 ans que c’est ainsi. Les robots se remettent au travail, sans trop réfléchir à la visite de Kiwi. Ils n’en ont rien à foutre.

Kiwi flotte dans l’espace lorsqu’il est avalé par un vortex. Il se souvient avoir entendu d’étranges cris, semblables à ceux d’oiseaux fantômes qui auraient volés au côté de sa machine. L’univers est un peu bizarre, se dit-il.

Sa machine réintègre sa place, dans sa chambre, grâce à un acte de téléportation réalisé à partir du moment où il était assez proche de sa ville pour le faire.

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